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Le spectre de marchés sans gérants actifs


L’hégémonie grandissante de l’investissement passif fait craindre des marchés de plus en plus inefficients et déconnectés des fondamentaux. Les bons gestionnaires y feront d’autant mieux leur œuvre.

Selon Morningstar, les encours de fonds passifs en actions américaines devraient dépasser ceux des fonds actifs en 2019. D’autres marchés devraient suivre. Faut-il s’en réjouir, ou au contraire s’en inquiéter? Cela dépend. Une première inquiétude est que fondamentalement, l’engouement pour la gestion passive est basé sur un sophisme. Au départ, nous avons une prémisse connue, à sa voir que “la majorité des fonds”, celle qu’il vaut mieux répliquer la composition et donc la performance d’un indice. Rappelons que “la majorité des fonds” est un concept sans grand intérêt. Si seuls 10% des fonds actifs battent l’indice, alors la seule question valable est comment les identifier. Or, il est prouvé que (1) tous les gérants actifs ne sont pas mauvais; (2) pour battre son benchmark, il faut s’en écarter; et (3) pour le battre beaucoup, il faut s’en écarter… beaucoup.


C’est un risque que bien des investisseurs se refusent à prendre, préférant le confort de l’indice. Malheureusement, le choix d’un bon indice ne semble pas les passionner non plus. Si l’on souhaite malgré tout répliquer un indice, peut-être faudrait-il en priorité s’assurer qu’il constitue un investissement intéressant plutôt que de se focaliser sur son erreur de réplication. Et si possible, éviter de surpondérer les valeurs les plus chères et les émetteurs les moins solides – deux caractéristiques des indices pondérés sur la base des capitalisations.


Une deuxième inquiétude porte sur l’efficience des marchés. La gestion passive n’ayant pas besoin de recherche, comment s’assurer que les marchés restent efficients et incorporent rapidement, et non brutalement, l’ensemble des informations économiques ou financières? Comment éviter une allocation inefficace du capital, avec des sociétés largement surévaluées qui voient leurs cours s’envoler parce qu’elles sont dans des indices populaires, ou des emprunteurs obligataires de piètre qualité qui trouvent des acheteurs pour leur dette, même si son remboursement relève plutôt du vœu pieux? Comment s’assurer que les actionnaires passifs se préoccupent de questions de gouvernance d’entreprises s’ils doivent de toute façon détenir leurs titres parce qu’ils sont dans un indice? A long terme, on risque de subir une diminution de la création de valeur, et de nombreuses inefficiences de marché.


De quoi se réjouir :

Fort heureusement, cette inquiétude n’est pas universellement partagée. Il existe au moins trois catégories d’individus qui se réjouissent de la croissance de la gestion passive. La première est celle des gérants passifs, qui ne se souhaitent qu’augmenter leurs avoirs sous gestion afin d’augmenter leurs (modestes) frais de gestion. La deuxième est celle des vendeurs d’indices, qui ne cessent d’en créer de nouveaux, afin d’attirer des clients. La troisième est celle des gérants actifs. Ou plus précisément, des bons gérants actifs – les 10% dont nous parlions précédemment. Moins d’efficience des marchés, moins de recherche en général signifie plus d’écarts aux fondamentaux, et ces derniers sont leur première source d’opportunités. L’alpha est un jeu à somme nulle. Pour générer un alpha positif, il faut trouver un autre joueur qui ait un alpha négatif. Les investisseurs passifs, avec leurs comportements moutonniers et prévisibles, leur manque de recul et surtout, leur absence de recherche, semblent être des contributeurs idéaux.


L’article ne reflète que les vues personnelles de l’auteur.

François-Serge Lhabitant

Professeur de finance à l’EDHEC Business School

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